Projet de loi "LOPPSI 2" et surveillance du réseau internet

Publié le par Maître S. CHAMPLOIX, Avocat à DIJON

Bientôt soumis au Parlement, le projet de Loi d'Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure (dite LOPPSI 2) qui a été présenté en Conseil des Ministres le 27 Mai 2009 contient des dispositions qui suscitent d'ores et déjà la controverse.

Le Chapitre II, qui comporte les dispositions relatives à la luttre contre la cybercriminalité, prévoit en son article 2 l'incrimination "d'utilisation frauduleuse de données à caractère personnel de tiers sur un réseau de télécommunication", par l'introduction d'un nouvel article 222-16-1 du Code pénal (infraction passible d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15.000 € d'amende).

Les infractions concernant les chèques et les cartes bancaires, commises en bande organisée, seront punies de 10 d'emprisonnement et de 1 Million d'euros d'amende.

Les peines relatives à certains délits prévus par le code de la propriété intellectuelle (contrefaçon) et commis par la communication au public en ligne seront les mêmes que celles du délit commis en bande organisée (5 ans et 500.000 € d'amende).

Le projet prévoit également la possibilité d'imposer aux fournisseurs d'accès l'obligation d'empêcher l'accès des utilisateurs aux contenus illicites en raison des images à caractère pédopornographique qu'ils contiennent.

Le projet contient également de nombreuses dispositions destinées à étendre le champ des fichiers des personnes auteur, complice, ou victime d'infractions pénale et connues dans le cadre de simples enquêtes. De même, il contient diverses dispositions de nature à permettre le triplement des caméras implantées sur le territoire.

En son chapitre V, l'article 23 du projet complète le dispositif législatif relatif à la "criminalité organisée" en permettant la captation des données informatiques à distance.

A la lecture de l'exposé des motifs du projet, le gouvernement justifie le texte notamment par des objectifs de poursuites de certaines infractions, dites "les plus graves".  Le projet évoque toutefois de façon très générale "les violences urbaines" qui troublent "la tranquilité des quartiers", ce qui apparaît manifestement beaucoup plus large que la lutte contre les actes de "terrorisme", à laquelle certains réduisent, sans doute en toute de bonne foi, la vocation de ce texte.

Et l'on n'évoque pas à ce stade la lutte contre les "violences intra-familiales", puisque cet ambition, bien qu'avancée comme objectif du législateur dans l'exposé des motifs (alors pourtant que les violences intra-familiales ne justifient aujourd'hui bien souvent qu'une convocation devant un délégué du procureur, alternative à la poursuite correctionnelle classique) n'est pas visé par l'article 23 du projet (cf. ci-après).

Sur le plan de la technique juridique, ce projet vise en tout cas implicitement des infractions beaucoup plus nombreuses que les "actes de terrorisme", puisque l'article 23, qui se réfère à l'article 706-73 du Code de procédure pénale, vise toute infraction dite "en bande organisée". Or, l'article 706-73 tiret 15° du Code de procédure pénale, et l'article 450-1 du Code pénal (par référence) incluent tous types de délits, à la condition que la circonstance de "bande organisée" soit retenue. L'article 23 du projet prend donc tout son sens lorsque l'on sait que la notion de "bande organisée" est très largement admise par les juridictions pénales.

Dès lors, si les procédés prévus par l'article 23 du projet de loi LOPPSI ne peuvent être mis en oeuvre que sous l'égide d'un juge d'instruction, il peuvent l'être pour de très nombreuses infractions et il ne sera nul besoin d'être suspecté de "terrorisme" pour cela.

L'intervention nécessaire du juge d'instruction est bien entendu de nature à constituer une garantie suffisante, par opposition aux actes qu'un officier de police judiciaire exercerait dans le cadre d'une simple enquête préliminaire.

Il faut néanmoins se souvenir que l'année 2009 devrait par ailleurs être marquée par... la suppression du juge d'instruction  dans l'ensemble du paysage judiciaire français, le Président de la République ayant annoncé cette très prochaine mesure.

Nul doute qu'alors, les pouvoirs dévolus au Juge d'instruction et à lui seul dans le cadre de la LOPPSI 2, pourront être exercés par les officiers de police judiciaire, dans le cadre d'une simple enquête préliminaire, sous le seul contrôle du Parquet.

A méditer.

Pour prolonger la réflexion, voir 
notre contribution  sur "LeMonde.fr", ainsi l'article  d'Olivier Dumons du 18 Mai 2009 dans le quotidien Le Monde.


S. CHAMPLOIX, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Dijon

Publié dans Libertés publiques

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